Jean Michel Debrat
Stellvertretender Generaldirektor der französischen Gesellschaft für Entwicklungbiografie
L’Afrique offre de multiples opportunités, pour elle-même comme pour le reste du monde. A l’inverse le reste du monde doit offrir des opportunités à l’Afrique.
L’Afrique dispose en effet de nombreux atouts pour faire face aux crises qui la confrontent. Principale victime des dérèglements mondiaux (climatiques, financiers), l’Afrique peut, par son potentiel (environnemental, agricole, énergétique) et par le dynamisme des femmes et des hommes qui la peuplent (sociologie, agriculture familiale, secteur privé) également constituer un élément de solution à la résolution des crises mondiales.
I- Sociologies africaines
a- La force de la démographie africaine :
• L’Afrique comptera 1,5 milliards d’habitants en 2050. Le monde de demain sera ainsi peuplé d’Africains, près d’une personne sur cinq en 2030.
Or rappelons que le décollage de l’Europe fut démographique avant d’être économique.
• La population africaine est de loin la plus jeune du monde (en 2005, 65% de la population subsaharienne avait moins de 25 ans, contre 30% en Europe). Cette jeunesse, orientée vers l’avenir, peut elle aussi constituer un atout crucial pour les économies du continent.
• En outre à mesure qu’elle se peuple, l’Afrique s’urbanise. Depuis le milieu du 20ème siècle, alors que le nombre d’Africains quadruplait, la population urbaine était multipliée par dix, passant de 20 millions à plus de 200 millions. Elle devrait encore tripler d’ici 2030.
• Cette urbanisation rapide constitue-t-elle un risque ou une opportunité ?
- Elle peut constituer un risque : du fait de l’urbanisation anarchique, de l’habitat peu sûr, des migrations et tensions sociales engendrées.
- Mais elle est surtout une opportunité : aucun pays industrialisé ne s'est développé sans cette vaste transformation économique et sociale, accélérateur de la division du travail et catalyseur de l'ouverture au monde. L'urbanisation peut être la chance du monde rural, si celui-ci est mis en position de nourrir les villes.
b- La société africaine prête au changement :
• Mutations des campagnes, agriculture familiale
L’Afrique regroupe un ensemble de vieilles sociétés rurales à cultures et spiritualités très profondes, qui connaissent d’importantes mutations.
Pour mesurer l’ampleur du « sujet », on peut rappeler que l’agriculture reste, dans la plupart des pays d’Afrique sub-saharienne, le premier employeur. Le secteur emploie en effet 60% de la totalité des actifs, et jusqu’à 80% dans les Pays les Moins Avancés.
Alors que la population rurale continue de croitre, un défi est de promouvoir ce capital humain disponible au sein des agricultures familiales, et gaspillé faute de possibilités d’alphabétisation, de formation professionnelle, d’apprentissage, etc.
• Education/ spiritualité africaine/ démocratie :
L'Afrique est un continent où la discussion et la pratique du consensus sont des éléments courants de la vie quotidienne, l'arbre à palabre étant même par culture au centre des affaires publiques.
L'Afrique doit aujourd’hui approfondir sa réflexion sur l’appropriation de la pratique démocratique, basée sur le consensus et la discussion, source de paix. Or de multiples changements sont en cours, comme en témoigne la Charte de la gouvernance démocratique au Sénégal.
II- Le secteur privé, une chance pour l’Afrique
• Importance du secteur privé africain, et notamment des PME: principal moteur de croissance et de création d’emploi, et relais des politiques publiques (PPP), il contribue à la fourniture de services essentiels.
• Changer l’image de l’Afrique : Parfois, les réalités observées sur le terrain sont plus rassurantes que l'image donnée. Il faut changer la perception des opportunités, qui sont réelles. Les témoignages des entrepreneurs comptent. Les success stories existent dans tous les pays africains.
• Au niveau micro : il y a des aventures industrielles réussies en Afrique. Une autre Afrique peu connue du grand public existe ; celle du dynamisme, de la réussite et de l’espoir. En effet, les exemples abondent d’hommes et de femmes dont les initiatives ont su habilement mélanger traditions, technologies et réalités économiques locales et mondiales.
• Au niveau macro : Comment soutenir le secteur privé africain ? Exemple de l’action d’une banque de développement comme l’AFD. Le groupe AFD dispose de plusieurs instruments de financement en faveur des entreprises. PROPARCO, filiale de l’AFD dont la mission est de favoriser les investissements privés dans les pays en développement, octroie des prêts à moyen et long terme aux investisseurs privés africains.
Nous apportons à nos partenaires du long terme, de la garantie, des fonds propres, et de la microfinance (où l’AFD dispose d’une expérience de 20). Notre rôle est de faire en sorte que la fonction financière se déroule correctement.
III- Les matières premières : chance ou malédiction ?
a- La rente des matières premières : La hausse du prix des matières premières observée depuis quelques années crée pour l'Afrique des opportunités nouvelles. Comment l'Afrique peut-elle optimiser ces opportunités ? Comment peut-elle faire face aux défis engendrés ?
• Rendre pérenne la gestion des richesses : Comment en effet transformer une richesse, qui peut être éphémère, en un actif à long terme, donc pérenniser les revenus directs et indirects dégagés? Une solution consiste dans le réinvestissement local des revenus exceptionnels dégagés par les richesses, notamment dans les infrastructures, dans les secteurs des transports et énergie.
• Faire participer les populations à la gestion des richesses.
b- Une réponse aux enjeux énergétiques mondiaux ?
• Une opportunité : Potentiel africain en matière d’énergies renouvelables : solaire, éolien, et hydroélectricité (l’Afrique utilise moins de 10% de son potentiel hydro-électrique). Que le monde de demain carbure au pétrole, à l’uranium ou aux biocarburants, l’Afrique comptera parmi les premiers fournisseurs d’énergie. Ce n’est donc pas seulement à une reprise de rang économique de l’Afrique que nous allons assister, mais également à une réémergence stratégique globale du continent. Avec toutes les opportunités et tous les défis que cela implique.
• Un défi : la contrepartie est que l’Afrique constitue d’ores et déjà un terrain de compétition féroce.
IV- Le potentiel environnemental
a- L’Afrique, première victime des dérèglements climatiques :
• les pertes de rendements agricoles, particulièrement importantes dans les régions sahéliennes. Elles sont dues à la chute de fertilité des sols, mais aussi à une pluviométrie de plus en plus irrégulière.
• la déforestation accélérée, qui pèse sur les ressources des populations traditionnelles, les potentiels d’exploitation économique future, mais qui implique également la perte de la multitude de services environnementaux offerts par les forêts (rétention de l’eau et des sols, piège à carbone, biodiversité etc.).
• les pertes de sols et de surfaces agricoles: entre l’érosion accélérée par la déforestation, l’épuisement des sols et la hausse du niveau de la mer, l’Afrique perd chaque année plusieurs centaines de milliers de km2 de surfaces cultivables.
• Les difficultés croissantes d’accès à l’eau (le « stress hydrique »), qui contribuent elles aussi aux tensions entre communautés dans des zones comme le Tchad ou le Soudan.
• On pourrait aussi parler de la perte de biodiversité ou de la pollution des rivières : tous les grands indicateurs environnementaux sont aujourd’hui au rouge. S’ajoute à cette série d’évolutions lentes et structurelles de l’environnement la multiplication et l’aggravation des phénomènes climatiques extrêmes, aux coûts à la fois plus visibles et immédiats : sécheresses, cyclones, montées des eaux, etc.
b- Mais l’Afrique de demain se trouvera également au cœur de la crise environnementale globale.
• L’Afrique apporteuse de solutions climatiques : gardienne de l’un des plus vastes espaces forestiers de la planète, cette Afrique qui se densifie et s’industrialise tient entre ses mains un patrimoine naturel dont la préservation deviendra rapidement un enjeu bien au-delà de ses frontières.
• Quelles solutions apporter pour préserver ce potentiel ? Ne devrait-on, pour les protéger, rémunérer ces services écologiques rendus par les forêts africaines ? L’Afrique peut-elle du fait de ce potentiel se trouver en position de force dans les négociations climat (Copenhague) ? Quel rôle peut jouer l’aide publique au développement, embryon de politique publique globale dont l’une des vocations est de contribuer à la préservation des biens publics mondiaux? L’avantage est que la recherche, le financement, le transfert de technologies, les politiques de régulation ou de tarification sont des questions pour lesquelles les banques de développement sont traditionnellement bien équipées.
V- Le potentiel agricole africain
• Opportunité : L’Afrique peut-elle apporter une partie des réponses à la crise alimentaire mondiale ? Gains de productivité possibles, Afrique grenier du monde.
En matière agricole, les différentes régions du monde doivent faire face à des perspectives différentes. Les pays du Nord ont atteint les limites de la productivité. En Asie, la limitation des terres et la pression démographique conjuguées laisseront la demande durablement supérieure à l'offre. L'Amérique latine est quant à elle confrontée aux problèmes environnementaux. Il apparaît que seule l'Afrique a une marge de manœuvre importante devant elle : l’Afrique a un fort potentiel en matière de terres inexploitées, un potentiel hydrique, puisque seulement 4% des terres sont irriguées ; et un potentiel en matière d’intensification, puisque l'utilisation d'engrais est actuellement de 4kgs/ha, l'objectif visé étant de 15.
• Défi : ambivalence de ce potentiel agricole Africain :
- Les paysans émigrent, au-delà peut-être du nécessaire car le mouvement d’immigration est sans lien avec une logique d’ajustement économique rationnel.
- Les terres sont achetées, le problème étant que ce mouvement répond à des besoins non africains: L’année 2008 a révélé la fragilité de certains pays obligés de recourir au marché international pour satisfaire leurs besoins alimentaires. Pour sécuriser leur approvisionnement, ces pays cherchent à contrôler l’utilisation de terres agricoles. C’est le cas de pays du Proche-Orient et en particulier de pays producteurs de pétrole (Arabie Saoudite, Pays du Golfe, Iran), ou de pays asiatiques (Corée du Sud), tous pays dotés de ressources financières importantes. Ce phénomène concernerait des dizaines voire des centaines de milliers d’hectares.
Or le risque est qu’il peut conduire à l’éviction des populations de leurs terroirs traditionnels et des activités s’y rapportant (culture, pâture, chasse, pêche), ainsi qu’à la création de conflits fonciers. Et la mise en culture des sols tropicaux fragiles par des entreprises privées moto-mécanisées pose de graves questions environnementales.
VI- L’Afrique dans la crise économique actuelle : l’Afrique sera-t-elle terre d’investissement ou victime de deuxième rang ?
Les pays d’Afrique sont touchés par les effets de « second tour » de la crise financière. Cependant, la situation est contrastée selon les cas. La décélération des pays du Nord touche les pays du Sud par plusieurs canaux :
• La baisse des commandes adressées par les pays du Nord à certaines filières d’exportation.
• Les incertitudes pesant sur le niveau d’aide au développement.
• La chute des transferts de migrants, qui représentent, dans certains pays plusieurs points de PIB.
Les dernières prévisions de la Banque Mondiale (juin 2009) prévoient une croissance ramenée à 1% pour l’Afrique sub-saharienne en 2009, contre près de 6% en moyenne entre 2004 et 2008.
Conclusion : l’Afrique fait donc face, dans chacun de ces domaines, à des opportunités mais aussi à des risques. On se trouve aujourd’hui devant une incertitude extraordinaire.
Dès lors, la réponse se situe d’abord dans la volonté des Africains eux-mêmes en termes de politiques, de gouvernances, et de modes d’organisation de l’Afrique.