11 Septembre 2017 16:30 | Bischoefliches Priesterseminar Borromaeum, Kardinal-von-Galen-Saal
Intervention du Jean Pierre Kwambamba Masi
Introduction
Excellences, mesdames, monsieur chers amis et sympathisants de la Communauté de Sant Egidio distingués invités.
Je tiens tout d’abord à exprimer ma reconnaissance à la Communauté de Sant Egidio, à son fondateur à son président à tous ses membres pour leur engagement en faveur de la paix depuis des décennies. Et en particulier pour ce congrès sur les chemins de la paix. C’est un honneur pour moi que d’avoir été invité et de prendre la parole pour parler des chemins de la paix en RD Congo. Je remercie mon évêque qui m’a accordé de venir ici. Je suis ici en communion avec l’Eglise qui est à Kinshasa, avec l’Eglise en RD Congo et avec tout le peuple congolais, qui depuis des décennies est assoiffé de paix et de justice.
Je vais ainsi vous parler de l’engament de la CENCO pour la promotion de la paix et la justice en RD Congo.
L’engagement sociopolitique de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) ne vise ni la conquête du pouvoir ni un parti pris au bénéfice d’un ou des individus. Les 47 Diocèses de la CENCO et leurs milliers de Paroisses sont implantés en majorité dans les milieux les plus reculés de la RD Congo, même là où l’autorité de l’Etat est quasi inexistante. Partout, les écoles, les hôpitaux, les projets de développement et autres œuvres caritatives catholiques servent le peuple congolais. Ceci veut dire que les Evêques, Prêtres et Laïcs catholiques engagés en RDC côtoient la grande et honteuse misère dans laquelle croupit le peuple congolais ; ils sont étourdis constamment par les cris de détresse poussés par un peuple désespéré réduit à un vaillant clochard. Comme si cela n’était pas exhaustif, l’insécurité et toutes les formes des violences se sont ajoutés sur ce lot.
Devant un tel tableau si sombre, Les Evêques, les Prêtres et les hommes de bonne volonté travaillent pour l’avènement d’un Etat de droit où le peuple et ses dirigeants cohabitent dans la justice, la Paix et la Réconciliation en vue d’un bonheur partagé entre fils et filles de la République Démocratique du Congo (Un pays pourtant très riche par ses richesses minérales et autres)
1. L’accompagnement du peuple congolais et ses Dirigeants, une option socio pastorale des Evêques membres de la CENCO.
Les Evêques congolais restent convaincus que « le mal congolais » trouve son explication sur la question de l’accession et l’exercice du pouvoir public, d’une part ; et d’autre part sur le déficit du leadership dans le chef du peuple congolais. Voilà pourquoi ils ont levé une option pastorale fondamentale d’accompagner le peuple congolais pour l’amener à jouer son rôle en tant que Souverain primaire et influencer la gouvernance des Dirigeants en sa faveur.
Cela parait clairement dans son message du 15 février 2003, intitulé « ‘J’ai vu la misère de mon peuple’ (Ex 3,7). Trop c’est trop ». Le 14 février 2004, à travers un autre message intitulé « Pour l’amour du Congo, je ne me tairai point (Is 62, 1) », la CENCO avait confirmé cette option et un vaste programme d’éducation civique avait été mis en place. Depuis, et surtout à l’occasion de tous ses derniers messages, la CENCO a insisté sur cette option en faisant recours à ses services spécialisés en la matière dont la Commission Episcopale Justice et Paix.
La tenue des élections démocratiques en 2006, puis en 2011, même si les premières avaient été contestées et que les dernières aient été jugées non crédibles par toutes les missions d’observation électorale et la CENCO, avait auguré une nouvelle ère pour l’avenir de la RD Congo. Voilà pourquoi l’Episcopat congolais avait encouragé la classe politique à s’inscrire dans le processus de consolidation de la démocratie, les deux élections précitées ayant été les premières pour le pays. La CENCO avait en outre appelé les uns et les autres à respecter la Constitution de la république, surtout dans ses dispositions verrouillées dont la question de la durée et du nombre des mandats du Président de la république. Ceci consacre l’alternance, c’est-à-dire la possibilité pour tout congolais d’accéder à la magistrature suprême par voie électorale. Cette disposition et d’autres qui sont verrouillées dans la constitution congolaise font la colonne vertébrale du Pacte républicain signé à Sun City ayant mis fin à la guerre et, surtout, elle constitue un gage de paix et de l’espoir d’un avenir meilleur pour les congolais. La contribution de la Communauté de Sant Egidio n’a pas été de moindre, comme d’ailleurs elle continue aujourd’hui encore à suivre avec intérêt l’évolution de la situation en RD Congo. J’exprime ainsi toute ma gratitude à la Communauté et continue à espérer que son apport ne nous fera jamais défaut dans cette phase délicate de l’évolution de la démocratie au Congo.
Je dirai que la Communauté est intervenue en restant fidèle à sa méthodologie habituelle celle de parler avec tous sans jamais exclure qui que ce soit. Exhortant à aimer l’ennemi comme nous le recommande le Christ. Telle est l’option de l’Eglise à laquelle l’épiscopat congolais reste fidèle. C’est d’ailleurs cela que le saint Père François rappelait récemment en Colombie en disant que l’Eglise n’est ni de gauche ni de droite. A ce propos nous devons exprimer notre profonde gratitude au Saint Père qui reste très proche du peuple congolais et qui, à plus d’une reprise, a invité les fidèles à prier pour la paix au Congo et s’est même adressé directement au peuple congolais pour l’exhorter à la réconciliation en vue de construire un pays plus fraternel.
J’exprime ma reconnaissance au nonce apostolique en RD Congo qui s’est engagé personnellement pour soutenir cette initiative de la CENCO
Dans cette optique l’épiscopat congolais s’est engagé à rassembler tous les acteurs politiques afin de les inviter à dialoguer et à trouver ensemble une voie d’issue à la crise multiforme que connait le pays. Les circonstances furent assez particulières. Le 19 décembre 2016, le deuxième et dernier mandant du président Kabila touchait à son terme. Il n’y avait apparemment aucun engagement concret du côté du pouvoir afin d’organiser les élections comme prévu par la constitution. Par contre pour la grande partie de l’opposition et de la population, la date du 19 décembre devrait marquer la fin du régime de Kabila et une nouvelle ère pour le Congo à tout prix. On n’excluait donc pas le recourt à la violence ou du moins de grandes manifestations publiques contre le pouvoir pour y parvenir. Nous avons pourtant une triste expérience de ces manifestations avec la grande marche des chrétiens le 16 février 1992. Comme d’ailleurs des différentes manifestations qui se sont succédées. La réaction des forces de l’ordre est bien souvent disproportionnée face aux manifestants. En général de telles manifestations font beaucoup de victimes parmi les civiles. En outre les conséquences de ces manifestations peuvent être incontrôlables. Et comme le disait le pape saint Jean Paul II : « tout est perdu avec la guerre et rien n’est perdu avec le dialogue ». C’est la voie qu’a suivi l’épiscopat congolais afin d’éviter que la date de la fin du mandat du président Kabila soit une occasion de troubles.
Néanmoins l’initiative des évêques du Congo fut soutenue par le président de la république lui-même et salué par tous les partis politiques. Disons que c’est depuis plusieurs années que les acteurs politiques de différentes tendances ne s’étaient plus réunis pour un dialogue. Le résultat de ce dialogue fut l’Accord du 31 décembre 2016 qui préconisait :
Malheureusement après la mort de monsieur Etienne Tshisekedi, désigné comme président de la CNSA, l’Accord n’a pas été respecté par le pouvoir. Actuellement la crise perdure, il est peu sur que la date retenue pour les élections présidentielles soit respectée. Vu le non-respect de l’Accord par le pouvoir, la CENCO a renoncé à assurer la médiation entre les acteurs politique. Toute fois elle maintient son rôle prophétique et s’engage à éduquer la population à la paix. Tout en recourant au diffèrent moyen dont elle peut disposer, mais également en sollicitant le concourt de toutes les instances internationales et des hommes de bonne volonté. Les évêques du Congo n’oublient pas que la paix est d’abord un don de Dieu. Aussi invitent-ils leurs fidèles à persévérer dans la prière afin que le Seigneur accorde la paix à notre pays. D’autre part les évêques du Congo ne se fatiguent pas de rappeler continuellement aux hommes politiques leur grande responsabilité face à l’avenir de la nation. Ils ne cessent de trouver des raisons pour soutenir la confiance et le courage de la population. Et là-dessus nous voulons une fois encre remercier la Communauté de Sant Egidio pour son courage et sa persévérance afin de promouvoir la paix sous toutes ses formes dans les différentes parties du monde.
Une des manières de contribuer à cette paix en RD Congo c’est l’engagement en faveur des malades de l’AIDS dont encore une fois Sant ’Egidio prend soin au centre DREAM dans la ville de Kinshasa.
Distingués invités chers frères et sœurs cette détermination et cette confiance de Sant ‘Egidio me font penser au courage et à la foi de Barnabé qui a su introduire Paul dans la communauté chrétienne alors que tant d’autres frères ne pouvait croire à sa conversion. En effet il était impensable et inadmissible pour la grande majorité des chrétiens que celui qui les a persécutés et à approuver le meurtre d’Etienne soit accueilli dans l’Eglise. L’homme de foi et plein d’esprit saint que fut Barnabé a accueilli plutôt la volonté de Dieu qui peut transformer le cœur de l’homme. De fait du grand persécuteur de l’Eglise que fut Paul, il est devenu ce grand apôtre des nations ne désirant avoir d’autre dette que celle de l’amour.
Je souhaite à tous la foi et le courage de Barnabé pour devenir des artisans d’une paix durable et de la réconciliation dans le monde.