12 Septembre 2017 17:00 | Old Town Centre

Méditation du Walter Kasper



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Walter Kasper

Cardinal, Saint-Siège
 biographie
Eph 6,13-20
C'est pour cela qu'il vous faut endosser l'armure de Dieu, afin qu'au jour mauvais vous puissiez résister et, après avoir tout mis en œuvre, rester fermes. Tenez-vous donc debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse, et pour chaussures le Zèle à propager l'Évangile de la paix ; ayez toujours en main le bouclier de la Foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du Mauvais ; enfin recevez le casque du Salut et le glaive de l'Esprit, c'est-à-dire la Parole de Dieu. Vivez dans la prière et les supplications ; priez en tout temps, dans l'Esprit ; apportez-y une vigilance inlassable et intercédez pour tous les saints. Priez aussi pour moi, afin qu'il me soit donné d'ouvrir la bouche pour parler et d'annoncer hardiment le mystère de l'Évangile, dont je suis l'ambassadeur dans mes chaînes ; obtenez-moi la hardiesse d'en parler comme je le dois.
 
I. Le message
« Soyez prêts à combattre pour l’Évangile de la paix ». Vous devez lutter et résister pour cela. Tel est le message du passage de la lettre aux Éphésiens.
Déjà au premier siècle, on aspirait à la paix. On y aspire encore aujourd'hui, au vingt-et-unième siècle. À chaque époque, les hommes ont attendu le prince de la paix. À chaque couronnement on annonçait le début d’une époque de paix qui ne se réalisait pas pour autant. Le prophète Isaïe parlait du Messie comme le Prince de la Paix (Is 9,5) et voyait les pas du messager, celui qui annonce la paix et vient dire à Sion : «Il règne, ton Dieu !» (Is 52,7 ss.).
La lettre aux Éphésiens concrétise l'accomplissement de cette promesse : « C’est lui, le Christ, qui est notre paix » (Eph 2,14). Il n'a pas bâti de murs, mais les a abattus et a guéri l'ancienne déchirure qui traversait l'histoire des hommes, il a éliminé les barrières du préjugé et des accusations mutuelles. Il a combattu la logique de l'inimitié et de l'exclusion mutuelle avec la logique de la réconciliation, du pardon, de l'inclusion et de l'intégration (Eph2, 13-17). Pour mener les temps à leur plénitude, récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre.  (Eph 1,10 ; Col 1,20). 
 
II.   La situation
La bataille décisive a été vaincue à travers la croix et la résurrection, mais pour nous, la victoire finale n'est pas encore arrivée. Au traire ! La réalité nous domine, la situation du monde est littéralement apocalyptique. La lettre aux Éphésiens, veut nous réveiller de la tiédeur, de la satiété, du confort et de l'indifférence. C’est le réveil pour sortir d’un christianisme indolent et irresponsable qui se croit faussement en sécurité. Comme le dit un hymne de l’Église : « Réveille la mort chrétienne du sommeil » (GL 481).  
La situation est à prendre au sérieux. Non seulement parce que le monde pullule d'armes et d’ailleurs certains en font un commerce lucratif et obtiennent des bénéfices écœurants. On parle même de bombes incendiaires qui étaient déjà dangereuses à l’époque où elles étaient utilisées, et aujourd'hui elles le seraient infiniment plus. Mais la peur est suscitée par des raisons encore plus profondes. Ce ne sont pas seulement des forces en chairs et en os qui inspirent la peur et l'effroi que nous devons combattre. Dans le monde, les forces et les puissances du mal sévissent et ne peuvent pas être imputées à des hommes, des nations ou des religions mondiales même si souvent elles les dominent et nous dominent. On parle d’agressions sournoises du mal. Le diable existe et a comme seul objectif de réaliser le mal perfide et sournois. « Veillez : votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer ». (1 Pt 5,8).    
 
III. Que faire ?
Que faire ? Nous devons nous armer, nous armer avec les armes de Dieu. Dieu seul peut anéantir ces forces du mal. Il n'y aura pas de nouvelle croisade, de spirale de violence et d'intimidation auxquelles on mettra fin par la violence. S’il s’agit de situations extrêmement graves qui ont été combattues par tous les moyens, on peut y faire recours in extrémis et l'état séculaire doit savoir répondre à ces situations extrêmes, à la limite de ses forces. Mais, on ne doit pas invoquer la rhétorique du martyre. Et au contraire, pour nous chrétiens il existe seulement l'épée de l'Esprit, la Parole de Dieu. 
Chaque chrétien par le baptême est au cœur de cette lutte spirituelle. Par le baptême nous avons renoncé au diable. On parle de soldat du Christ dans la Bible et dans les écrits des Pères de l’Église mais nous n’avons pas pris au sérieux cette expression en vivant au contraire un christianisme trop bourgeois. Nous avons besoin de reprendre nos armes.  
En premier lieu nous « ayant autour des reins le ceinturon de la vérité » (Eph 6,14).. La vérité est solide, elle reste et elle vaut toujours et partout et c’est elle qui nous guide. Si nous ne voulons pas dépendre de n’importe quelle bouffée de vent et de la mode du moment. Le terme parrhésie est la franchise, qui sans « political correctness » révèle la situation réelle, qui sans hypocrisie appelle les choses par leur nom. Elle s'oppose aux « Fake News » et aux paroles haineuses par des pensées de paix. La franchise ne veut pas dire rester dans l’ombre mais parler ouvertement. Plus simplement : pour l’Évangile entretenez de bonnes relations.! 
Portez la cuirasse de la justice. Opus iustitiae pax. « L’œuvre de la justice sera la paix » (Is 32,17). Tant que le monde sera dominé par l'injustice qui crie contre Dieu et par des conditions de vie inhumaine, il ne pourra y avoir la paix. La terre est notre maison commune ; elle appartient à tous. Même si son fruit n’est pas réparti équitablement, il devrait au moins permettre à tous de vivre une vie digne. Nous chrétiens, nous n'avons pas un plan Marshall. Mais, nous savons que chaque être humain compte. Qui sauve une vie, sauve le monde entier. 
Nous en venons à la disponibilité. Personne ne peut se soustraire avec lâcheté, se cacher et regarder depuis son fauteuil le besoin des autres. C’est la force qui nous est demandée. Il ne s'agit pas ici d'être téméraire, mais disponible à prendre des risques. Pour l’amour du bien, il faut accepter les obstacles, les blessures, et même la mort. Chacun doit se demander et à chacun sera demandé un jour : Qu'as-tu fait pour que le monde soit un peu plus en sécurité, un peu plus pacifique ?
 
IV « Priez sans cesse ! »
La vraie arme de l'Esprit n'a même pas été nommée jusque-là. Priez sans cesse ! Nous sommes appelés à une prière d'assaut. La prière est la force la plus puissante du monde, sûrement plus efficace des homélies du dimanche, même si elles sont prêchées au Kirchentag ou au Katholikentag.
Non seulement nous devons être forts et solides mais aussi intercéder les uns pour les autres. Dieu seul gouverne les événements du monde. Lui seul touche les cœurs. Il peut susciter les sentiments de paix. Écoute le crie de nos frères et sœurs sous le joug de la persécution et du tourment. Nous-mêmes ne devons pas les oublier. Nous ne pouvons pas taire les persécutions des chrétiens dans le monde. 
Cette prière nous réunit ici, et si Dieu le veut pas seulement ici et maintenant. Prions donc !