5 Octobre 2010 09:30 | Casal del Metge - Sala d'Actes
Barcelone 2010 - Intervention de Kpakilé FELEMOU
Excellences, Mesdames et Messieurs,
Parler de l’Afrique n’est pas toujours facile par ce qu’il y a trop de tentations, principalement deux :
- Pour les afro- optimistes, il y a la peur de ne pas être écoutés ;
- Pour les afro- pessimistes, le risque est de continuer de présenter l’Afrique selon le modèle des grands médias du monde, l’Afrique comme il y a 30-20 ans en arrière : déficit de Démocratie, l’Afrique des coups d'États militaires, maladies et guerres civiles qui se mêlent, corruption généralisée, infrastructures inexistantes, toujours pas d’accès à l’eau potable et aux soins de santé, l’Afrique du SIDA, système éducatif déficitaire, etc..
Quelqu’un pourrait me faire l’objection suivante : s’agit-ils seulement de clichés négatifs sur l’Afrique ou c’est cela la réalité de l’Afrique ?Je répondrais qu’il y a du mieux plus de ce qu’on ne pense. Parmi les besoins de l’Afrique du XXIe siècles, figure a en grande place l’information et la communication. Soit elle souffre d'un silence total qui s’abat sur elle, soit on parle abusivement d’elle dans les grands organes de la presse. Quand les africains parlent de l’Afrique il n’est pas rare qu’eux mêmes empruntent le style des « afro centristes »: c'est à dire ceux qui estiment que tous les maux de l’Afrique viennent d’ailleurs.
Comme facteur de changement, je voudrais pour le temps de mon intervention, vous citer quelques pistes de lecture et des signes qui sont les raisons de l’espérance de Sant’Egidio sur l’Afrique.
Mon optimisme réaliste et réfléchi sur l’Afrique est forgé et nourri dans la Communauté de Sant’Egidio. La grande croissance de la Communauté de Sant’Egidio en Afrique est une espérance grande sur l’Afrique. Communautés de prière et de communication de l'Évangile, amie des pauvres dans le sens d’un service assidu et gratuit aux pauvres, communauté d’éducation à la paix, de dialogue inter-religieux, d’œcuménisme, Communauté de défense de la vie, communauté de grande fraternité évangélique: Sant'Egidio aujourd'hui existe en plus de 26 Pays d'Afrique avec des dizaines de milliers d'adhérents. Sant’Egidio est aussi africaine et la meilleure preuve de cela a été la signature de l'accord entre l'Union Africaine et la Communauté, ce qui lui reconnait son profil africain, en plus de toutes ses réalisations humanitaires et de paix sur le continent.
Nous remarquons -premier signe- que en Afrique le dialogue est possible entre les religions. L'extrémisme religieux est contré par une attitude au dialogue qui a ses racines dans le vivre ensemble. Il faut y travailler. Au en mai 2010, le fondateur de Sant'Egidio, le Professeur Andrea Riccardi a tenu une assemblée avec plus de 100 imams de la Cote d’Ivoire, pour parler de la paix et pour engager une lutte sérieuse contre toute les formes de violence. Nous avons travaillé dans ce Pays pour éviter la dérive de la violence intra-religieuse dans le contexte de la crise politique.
Deuxième signe:la démocratie plait aux africains. Petit à petit les institutions démocratiques s'installent sur le continent et cela est prouvé pas seulement par les élections -qui désormais se tiennent partout- mais par l'effervescence de la société civile, par les médias, la liberté d'expression etc.
Troisième signe: une société qui change. Progressivement l'Afrique s'urbanise et surgit une nouvelle classe de jeunes professionnels mondialisée, sensibles aux droit de l'homme et au pluralisme, contre les clivages ethniques, optimiste sur l'avenir. Un signe de ces changements est dans le fait que l'Afrique s'apprête à devenir le deuxième continent sans peine de mort, en suivant l'Europe. Pour cela Sant'Egidio se bat beaucoup.
L'Afrique n'est pas seulement un gisement de ressources à ciel ouvert mais aussi un gisement de ressources humaines. Surtout le jeunesse est vivace, elle veut entreprendre et se prendre en main. Il faut passer, dans notre optique, de l'Afrique comme ressource aux africains comme ressources. Il n'est pas suffisant de regarder aux succès économiques des nouveaux investissements (par exemple la pénétration de l'Asie) pour comprendre le continent. Il faut pousser son regard plus en profondeur.
Certes il est important -et c'est le but de notre travail- de veiller à l’humanisation de la vie dans le milieu urbain de cette Afrique qui change, sans oublier l'Afrique des villages. Nous travaillons contre les phénomènes de violence diffuse, comme le lynchage, ou l'abandon des âgés, une nouveauté pour notre continent où on n'était pas habitués au grand nombre d'anciens. C'est aussi le signe que la vie s'allonge.
Une de nos préoccupations plus fortes est pour les nouvelles générations. Souvent le premiers service quand la communauté commence dans une ville, est « l'École de la paix ». C'est le moyen par lequel Sant'Egidio met l’enfant au centre des intérêts des adultes qui peuvent êtres les parents, les voisins, le quartier, les autorités. En Guinée par exemple nous sommes désormais les partenaires privilégié de la Direction Nationale de l’Enfance. Je ne pourrait vous raconter combien d’enfants ont été sauvés, scolarisé, au Mozambique, au Malawi, au Rwanda, etc. BRAVO un acronyme anglais, est un Programme de Sant’Egidio pour l’inscription des enfants à l'État civil contre l’oubli et les trafics. Le premier pays qui a abrité ce programme est le Burkina Faso en 2009. Nous avons atteint les trois millions d’enfants -ainsi que des adultes- inscrits à l'État civil en ce moment. C'est le moyen pour répondre au défi de la non inscription à l'état civil d'un enfant sur 2 comme c'est le cas en beaucoup de Pays pauvres. Comme valeurs ajoutée de ce programme, figurent la formation des agents de l'État civil, la reconstruction ou l’amélioration des archives, la sensibilisation des citoyens à l’échelle nationale en vu d’un changement de mentalité à l’égard des droits de l’enfant. C’est un travail qui a été accompli avec la collaboration directe et permanente de l'État du Burkina Faso.
L'autre grand programme que nous avons mis en œuvre est contre le SIDA. DREAM est un Programme de prévention et de soins du VIH/SIDA, de la malnutrition et des maladies sexuellement transmissibles. Sant’Egidio a obtenu la collaboration des africains eux-mêmes: membres de la communauté, citoyens, patients et les gouvernants. Initié en 2002 au Mozambique, il existe aujourd’hui dans 10 pays d’Afrique. Parmi les résultats je puisse vous citer : 31 centres de prise en charge globale intégrale et gratuite et des patients VIH/SIDA; 18 laboratoires, 90.000 patients sous traitement, un million en assistance en comptant les familles des atteints; 19.000 mineurs sous soins, ne dépassants pas l’âge de 15ans; 10.000 enfants nés sain des mères atteintes; 16 cours de formation panafricaine.
L'autre grand chantier est celui de la paix en Afrique. Depuis la signature de l’accord de paix pour le Mozambique le 04 octobre 1992 à Rome, au siège central de la Communauté, suite à 15 ans de guerre qui coûta 1 million de mort, on pourrait dire que Sant’Egidio a fini par élaborer une culture, celle que l’on pourrait appelé pacificatrice ou « faire la paix ». Il suffit de voir combien de médiation ou de participation à la médiation de paix à travers le monde en Afrique, en Europe, en Amérique centrale, etc.
Quelle conclusion je tire de notre expérience? C’est celle de l’existence d’un destin commun entre l’Europe et l’Afrique. Destin que les fondateur de l’Europe communautaire avaient déjà vu dès l’après-guerre. C'est avec une Afrique totalement changée que aujourd'hui l'Europe peut se proposer de réaliser une coopération véritable, dans un cadre d’intérêt réciproque. Cet appel n’est pas seulement pour l’Europe, il est aussi pour l’Afrique. Il n’y à pas d’inimitié incontournable entre l’Europe et l’Afrique, le faussé culturel n’est pas un abîme, l'histoire divise mais aussi nous unit beaucoup. Aux européens je dis qu’aller en Afrique en ce moment est une opportunité géopolitique pour le lendemain. Cette nouvelle coopération peut aussi être la réponse au problème de l’immigration qui tant agite les sociétés européennes.
Croyons ensemble sur ce destin commun, ce vivre ensemble dont ces journées de Barcelone sont un signe évident.