Le 11 mars 2011, le Japon était frappé par un très violent tremblement de terre, provoquant des dégâts sans précédent. Le tsunami engendré par la puissante secousse engloutit les régions du littoral nord-est, détruisant tout sur son passage et prenant la vie précieuse de milliers de personnes. Le bilan matériel et humain de la catastrophe est très lourd, faisant état de plus de 15.000 morts et des milliers de disparus. En plus de cela, les retombées radioactives très importantes, à la suite d'une série d’accidents majeurs survenue à la centrale nucléaire de Fukushima et dont l’étendue des dommages n’a toujours pas été correctement évaluée, n’ont pas seulement créé de nombreux problèmes graves au Japon, mais ont aussi alarmé le monde entier.
Au milieu de cet immense désastre, les groupes et sympathisants religieux se sont alors mobilisés et ont mis en place des opérations de secours pour la survie des sinistrés et l’apaisement/récupération des régions touchées. Alors que la couverture de telles opérations d’urgence par les médias japonais a été minime, voire nulle, en particulier pour ce qu’on appelle les « Nouvelles religions » telles que le Tenrikyô, les savants et journalistes étrangers ont reconnu certaines importantes contributions faites par ces groupes religieux. Pour commencer mon discours, je voudrais citer un article plus objectif écrit par Barbara Ambros, professeure agrégée de l’Université de Caroline du Nord et spécialiste des religions japonaises. Elle a ainsi écrit à CNN :
« Les actes bénévoles de Tenrikyô, qui durent depuis un grand nombre d’années, sont profondément ancrés dans sa pratique religieuse de l’“hinokishin”, qui est une contribution volontaire par laquelle les fidèles expriment leur gratitude envers le divin. Le Corps d’Hinokishin de Secours aux Sinistrés est équipé pour travailler avec les agences gouvernementales locales et fournir une assistance en cas d’urgence. Une division de la préfecture de Niigata est actuellement à l’œuvre dans la région de Sendai, dévastée par le séisme, afin de réparer les conduites d’eau cassées. En outre, le Tenrikyô a réalisé une vaste campagne de collecte de fonds, à travers ses églises situées un peu partout au Japon et dans le monde. »
Avant de développer plus profondément cette ligne, je voudrais d’abord expliquer la position doctrinale de Tenrikyô face aux malheureuses catastrophes naturelles comme celle-ci.
« Comment les catastrophes naturelles, telles que les séismes, sont-elles interprétées dans le Tenrikyô ? »
Tout d’abord, nous devons formuler ce problème dans un langage religieux de compassion et d’amour aussi bien pour le positionner dans le monde de la signification religieuse que pour adresser un message universel à toute l’humanité.
Ceci, cela, tout le monde entier est le corps de Dieu.
Réfléchissez-y donc ! Ofudesaki, III : 40
Tout corps humain est un prêt de Dieu.
Mais à quoi pensent les hommes quand ils s’en servent ? Ofudesaki, III : 41
Notre vision du monde repose sur ces deux versets. Ce monde, y compris la grande variété de milieux naturels dans lesquels nous vivons, est le « corps » de Dieu. Nous pouvons jouir de la vie grâce aux protections et à la bienveillance que nous recevons de lui. Par ailleurs, si nous nous plaçons à l’échelle microcosmique de nos propres êtres, nos corps sont de précieux prêts de Dieu, mais nous disposons de nos propres pensées et sentiments et c’est ce cœur qui définit ce que nous sommes. Ceci est la vérité fondamentale de la réalité selon les enseignements Tenrikyô que nous partageons tous en tant que frères et sœurs, et enfants du même Dieu.
Comment pouvons-nous alors répondre à cette condition de notre existence physique, qui nous est prêtée par Dieu ? Dieu nous encourage à pratiquer l’« hinokishin ». Ce terme « hinokishin », qui est propre à l’enseignement de Tenrikyô, désigne toute action pieuse basée sur la manifestation de joie et de gratitude envers la grâce de Dieu, en allant vers l’extérieur pour aider les autres et aider la société. C’est cette expression volontaire et l’attitude de foi joyeuse pleine de reconnaissance pure qui est au cœur de l’« hinokishin. »
Que disent nos textes sacrés à propos des catastrophes naturelles ? Dans l’Ofudesaki, il est dit que le tonnerre, les tremblements de terre, les vents violents et les inondations sont tous dus à la colère de Dieu. Cette colère prend sa source dans notre ignorance de l’origine de tout et nous, enfants de Dieu, sommes couverts de poussières à cause de l’utilisation erronée ou égoïste que nous faisons de notre cœur basé sur une imagination égocentrique. Nous pouvons le comprendre comme « une manifestation sévère du regret de Dieu face à notre manque de maturité spirituelle créant un fossé entre notre cœur, à cause de notre tendance involontaire à nous laisser emporter par notre propre pensée, et celui d’Oyasama », fondatrice de Tenrikyô, dont l’amour de Parent souhaite sauver ses chers enfants, c’est-à-dire l’humanité entière.
Quel est donc le remède à cette impasse ou régression spirituelle ? À notre grand regret et notre grande tristesse, Dieu n’avait pas d’autre choix pour éveiller nos esprits en provoquant une telle calamité, afin de nous pousser à la hauteur de la vérité de la fraternité universelle et du principe suivant : « En sauvant les autres, tu seras sauvé ». Dieu nous encourage ainsi : « Si vous aviez vraiment à cœur de secourir autrui, Dieu n’aurait pas à vous implorer » (Ofudesaki, III-32), et « Si le Salut vous tient vraiment à cœur, je vous reconnaîtrai même en votre silence » (Ofudesaki, III-38). La voie de Tenrikyô est en effet de promouvoir « l’entraide totale » (Ofudesaki, XIII-37). Si les hommes s’aident les uns les autres comme les enfants égaux de Dieu, alors celui-ci manifestera promptement sa protection dans tous les domaines.
Dans le passé, comment avons-nous réagi face à de telles catastrophes ?
Ces principes de base de l’Enseignement que j’ai cité précédemment – « nous sommes tous les enfants de Dieu et frères et sœurs les uns pour les autres » et « entraide totale » – furent la base du lancement de notre « Corps de Secours » en 1891. À commencer par le tremblement de terre de Nobi la même année, nous avons envoyé ce « Corps de Secours » en cas d’urgence dans les régions touchées par des séismes, tsunamis, tempêtes, éruptions volcaniques, grands incendies, etc. Nous avons appelé ce corps « Corps d’Hinokishin de Secours aux Sinistrés », en allusion à l’esprit derrière la mission, qui est une action altruiste d’aide soutenue par la reconnaissance joyeuse exprimée pour ces corps en bonne santé qui nous sont prêtés. Cet esprit imprègne toutes les activités sociales de Tenrikyô, et d’une manière générale toutes nos activités reposent idéalement sur ce motif débordant de joie pure.
Jusqu’à récemment, ce Corps d’Hinokishin de Secours aux Sinistrés n’intervenait systématiquement qu’au Japon, bastion traditionnel de Tenrikyô. Pour répondre aux catastrophes majeures survenues en dehors du Japon, nous avons envoyé des dons à des organisations fiables, comme la Croix-Rouge, et envoyé plusieurs fois du personnel sous l’égide du « Réseau International pour les Aides Mutuelles de Tenrikyô ». Toutefois, le Corps d’Hinokishin de Secours aux Sinistrés de Taiwan, qui existe officiellement depuis 2001, a dépêché ses membres au nord du Japon en juin dernier afin de s’engager dans les activités de secours. À l’avenir, nous espérons que cette avancée se reproduira dans d’autres régions et pays du monde.
L’une des caractéristiques uniques de notre Corps d’Hinokishin de Secours aux Sinistrés est d’aller dans les régions sinistrées avec une gamme complète d’équipements, incluant de l’aide alimentaire d’urgence, des abris, des tentes, des camions, des ustensiles de cuisine et autres équipements de première nécessité afin de ne pas être un fardeau pour les régions déjà lourdement frappées et les populations locales et agences gouvernementales qui nécessitent de l’aide urgente.
Comment avons-nous réagi à la présente catastrophe ?
Et puis cette année, le puissant séisme du 11 mars frappa et secoua toute la nation. Les nouvelles ainsi que les images-chocs diffusées par les médias nous ont immédiatement saisis d’horreur et d’incrédulité. Cependant, alors que les Forces d’Auto-défense japonaises se précipitaient vers les régions sinistrées en imposant des mesures strictes de quarantaines, interdisant ainsi les secours du secteur privé de pénétrer dans la région dès le début, nous avons effectué un service de prière de trois jours. Notre force réside dans la prière et nos contributions sociales sont aussi et surtout ancrées dans notre prière sincère envers Dieu pour panser les plaies causées par la catastrophe. Les tragédies passées ne peuvent être réparées. Mais en revanche, la difficulté et la souffrance des sinistrés peuvent être, à ma forte conviction, apaisées grâce aux nos efforts et sacrifices accomplis dans nos prières qui sont les formes concrètes de notre sincérité.
Nos opérations de secours ont pu ainsi débuter, soutenues par notre foi ardente de fraternité universelle et d’aide mutuelle. J’aimerais résumer certaines des principales opérations de secours menées durant les quatre premiers mois. Durant les premières semaines après le séisme, les opérations de secours ont d’abord été physiques et matérielles, afin d’assurer les besoins immédiats, avec notamment avec l’envoi d’eau précieuse dans les trois préfectures les plus durement touchées : Miyagi, Iwate et Fukushima.
En outre, dans l’espoir d’atteindre les populations de manière à soulager et consoler leurs cœurs et leurs esprits, nous avons mis en place un bureau d’aide psychologique pour les victimes et leurs familles, et avons dépêché plusieurs équipes afin de mener des activités récréatives pour les enfants et adolescents dans les garderies, les jardins d’enfants et les refuges, et offrir des séances de thérapie. Ces initiatives, moins visibles, se poursuivent encore aujourd’hui.
D’avril à la mi-juillet, nous avons élargi le champ de nos opérations de secours ainsi que diversifié nos activités comme la situation l’imposait. Ces activités comprenaient entre autres l’enlèvement de débris et décombres des maisons endommagées et/ou détruites, l’excavation de la boue des fossés et caniveaux, le démantèlement de maisons ravagées et non réparables, et la mise en place de soupes populaires. Sur demande d’une mairie, nous nous sommes également engagés dans des actions moins visibles, comme le tri de matériel de secours affluant du monde entier pour faciliter la livraison aux nécessiteux. Notre opération de secours de 4 mois menée par le Corps d’Hinokishin de Secours aux Sinistrés s’est terminée avec la dissolution des équipes locales au début du mois de juillet.
Durant ces 4 mois, plus de 20.000 membres et fidèles ont pris part aux opérations de secours en tant qu’Hinokishin, expressions de la joie de notre foi. Ces efforts ont été principalement financés par des dons et contributions recueillis de tous. Ce fut vraiment un effort très solidaire de Tenrikyô pour soulager la douleur de ceux qui souffrent à la suite du tremblement de terre et du tsunami dévastateurs. Le phare de ces opérations de secours était sans conteste le Corps d’Hinokishin de Secours aux Sinistrés. Comme mentionné précédemment, il a été motivé et alimenté par cet esprit authentiquement religieux : « Tous frères et sœurs » et « l’aide mutuelle entre tous les peuples. »
Des opérations de secours d’urgence à des efforts de rétablissement à plus long terme.
Après avoir poursuivi la gestion de ces diverses opérations de secours, nous, Eglise Mère de Tenrikyô, avons pris la décision de dissoudre le centre d’intervention et de secours afin d’installer un nouveau comité pour la relance postcatastrophe pour mieux recentrer nos efforts sur le redressement à plus long terme. La première initiative fut de faire un don monétaire à chacune des trois préfectures les plus durement touchées afin de les aider dans leurs efforts de reconstruction locale.
Bien que nos opérations de secours aient officiellement pris fin, nous souhaitons soutenir nos efforts locaux pour favoriser le processus de récupération qui se poursuivra dans le futur, dans l’espoir de faire de cette catastrophe « un nœud duquel sortiront de vigoureuses pousses » en accélérant le travail de secours dans chacune des régions qui ont encore besoin de soutien physique et spirituel. Que cela soit une situation urgente ou non, notre ligne de vie religieuse repose sur le salut.
Il s’agit là d’une mission confiée à chaque membre de la communauté Tenrikyô pour rendre nos efforts individuels de soutien et de salut dans notre environnement immédiat d’une façon constante et importante de sorte que l’esprit de la Vie de Joie et l’action discrète et efficace d’aider nos frères et sœurs soient partagés par un cercle toujours plus large de personnes.
Dans le Tenrikyô, depuis plusieurs années déjà, nous avons fait la promotion de trois qualités conduisant à la vraie Vie de Joie. Ces qualités sont « Gratitude, Modération et Entraide ». Nous encourageons à être reconnaissant envers Dieu pour tout ce qu’il met gracieusement à notre disposition autour de nous, en commençant par notre corps emprunté, à recevoir avec plaisir et utiliser à bon escient les protections de Dieu, et à étendre une aide et un soutien sincères à nos frères et sœurs dans un esprit de fraternité universelle. Je voudrais ainsi conclure mon discours en exprimant notre désir sincère de poursuivre nos engagements aussi bien individuels que collectifs pour aider les régions et personnes sinistrées en les guidant à travers ce long chemin vers le rétablissement grâce à ces trois qualités du cœur qui nous caractérisent, nous les fidèles Tenrikyô.
Je vous remercie pour votre aimable attention.