Dans ce passage de la première épitre de Jean l'apôtre rappelle aux disciples que les premières paroles qu'ils ont écoutées les ont invités à « s'aimer les uns les autres ». En effet, ces paroles ne sont pas seulement au début de la prédication, mais au fondement de la foi. C'est seulement par l'amour fraternel qu'on reconnaîtra les disciples comme tels, et c'est seulement par l'amour mutuel que les hommes seront sauvés. L'exemple de Caïn est particulièrement éloquent. Cela pourrait nous sembler une exagération. En vérité, laisser les herbes amères de l'orgueil et de l'égocentrisme envahir son cœur fait tomber dans la spirale de l’inimitié qui peut porter jusqu'à la violence meurtrière, exactement comme cela est arrivé à Caïn qui «appartenait au Mauvais», comme le souligne l’épitre. .Et Jésus prévient ses disciples d’un tel danger : « Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens : Tu ne commettras pas de meurtre, et si quelqu'un commet un meurtre, il en répondra au tribunal. Eh bien moi, je vous dis : Tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. Si quelqu'un insulte son frère, il en répondra au grand conseil. Si quelqu'un maudit son frère, il sera passible de la géhenne de feu » (Mt 5, 21-22). L'amour sans limites de Jésus inspire toute la vie du disciple.
Celui qui n’aime pas comme Jésus tombe dans les griffes du prince de ce monde. Il n'y a pas de demi-mesure entre l'amour et la haine : soit on choisit le premier, soit on devient esclave du second. Seul l'amour nous rend libres et nous sauve. C'est cette vérité que nous sommes appelés à annoncer au monde. Ce monde qui peine à trouver la paix, la justice et la concorde. C'est un évangile inconciliable avec cette culture matérialiste qui subjugue de plus en plus les cœurs des hommes. C'est pour cela que l'apôtre prévient les chrétiens : « Ne soyez pas étonnés, frères, si le monde a de la haine contre vous ». Jésus, le premier, a subi l'opposition du monde. Le cortège des témoins qui vivent leur foi jusqu’à l’effusion du sang s’allonge encore de nos jours. Eux – et nous en avons connu certains personnellement – en reprenant les paroles de l’apôtre, peuvent nous dire : « Voici à quoi nous avons reconnu l'amour : lui, Jésus, a donné sa vie pour nous. Nous aussi, nous devons donner notre vie pour nos frères ». Oui, ces nouveaux martyrs se présentent à nous comme ceux qui ont aimé «non pas avec des paroles et des discours,mais par des actes et en vérité». Monseigneur Romero, archevêque de San Salvador, dans son homélie le jour des funérailles d'un de ses prêtres - tué par les escadrons de la mort - disait : « Le Concile Vatican II demande à tout chrétien de devenir martyr, c'est-à-dire de donner sa vie pour ses frères. Il le demande à certains jusqu'à l'effusion de leur sang, mais il le demande à tous par le témoignage de l'amour ». Peu de mois après, il était tué sur l’autel. En ce début du nouveau millénaire, la voie du martyre de l'amour se présente à nous. Nous écoutons ces paroles à Sarajevo, dans une ville qui au siècle dernier a connu le drame de la guerre et de la mort. Au terme de ces journées, en étant rassemblés dans la prière, nous voulons rendre grâce au Seigneur de nous avoir donné des rêves de paix. Dans un certain sens nous pouvons dire que nous avons été rassemblés dans le regard même de Dieu est qui bien plus large que le nôtre. Lui, qui s'est ému de pitié pour la tristesse de la condition humaine, au point d’envoyer son Fils, nous donne son regard d’amour. Et nous maintenant nous regardons cette terre et toutes les terres du monde, surtout celles marquées par la violence, avec le regard même de Dieu. C’est son amour qui doit vivre dans notre cœur. Peu importe ce que notre cœur peut nous reprocher. Ce que nous est demandé est de libérer et de ne pas mettre des obstacles à l’amour qui a été répandu dans nos cœurs. C’est pour cela que l'apôtre nous prévient : « Celui qui a de quoi vivre en ce monde, s'il voit son frère dans le besoin sans se laisser attendrir, comment l'amour de Dieu pourrait-il demeurer en lui ? ». Laissons vivre en nous cette vision de paix que nous a été donnée, laissons que l’amour de Dieu œuvre à travers de nous. Et nous marcherons sur le chemin de l’amour. Sur ce chemin nous rencontrerons les plus pauvres. Laissons qu’ils deviennent nos amis les plus chéris, nos compagnons de route. Ils nous garantiront que nous sommes sur le chemin de Dieu et que nous participons au grand rêve de Dieu sur le monde : faire de tous les peuples de la terre la grande famille de Dieu.