Mesdames et Messieurs
Je vous présente les salutations des fils des minorités en Irak, mélangées avec la tristesse et les douleurs indescriptibles.
Vous êtes sans doute au courant de ce qui s’est passé avec les fils de la religion Yézidi à Sinjar en Irak depuis le début du mois d’août dernier. Mais je suis presque certaine que vous n’avez pas été informés des détails sur ce qui s’est passé comme crimes épouvantables contre une communauté pacifique. Cette communauté qui dans sa culture religieuse et sociale ne connaît pas la violence ni l’assassinat. La religion Yézidi était l’une des plus anciennes religions en Mésopotamie dont les racines remontent au troisième millénaire avant JC.
Ce qui est arrivé aux Yézidis à Sinjar, par les mains de l’organisation terroriste la plus dangereuse contemporaine, est incompatible avec notre conscience maintenant que nous vivons dans le troisième millénaire.
Chers frères et sœurs,
Il y a 400 000 migrants Yézidis dont 300 000 de Sinjar. Il y a eu environ 3000 morts et des victimes ont été soit tuées par Daash (l’Organisation de l’Etat Islamique en Iraq et Levant), soit sont mortes de faim et de soif pendant les premiers jours de leur fuite à la montagne Sinjar.
Environ 5000 personnes ont été enlevées: des hommes, des femmes, des enfants et des familles. La plupart d’entre eux ont été enlevés par Daash dans diverses régions de Sinjar. Des centaines de filles ont été violées et des centaines ont été vendues, elles ont été considérées comme esclaves et selon Daash, on a le droit absolu de les traiter ainsi. Des dizaines de filles ont été vendues dans les marchés de la ville de Mossoul pour 150 $ par fille. Environ 300 jeunes filles ont également été vendues en Syrie et les cas de violences se poursuivent.
Saviez-vous, Mesdames et Messieurs, que l’Organisation Daash s’était retirée de Ciba Shikhddr sans combattre il y a environ trois semaines, puis est revenue à cet endroit? Est-ce que vous savez que la raison de ce retrait était l’odeur des corps des fils de la religion Yezidi? Des femmes, des hommes et des enfants ont été tués par cette organisation!
Saviez-vous que dans le village de Kojo (25 km au sud-est de Sinjar) un massacre horrible a eu lieu? Daash avait entouré ce village où habitaient environ 2000 Yézidis. Certains ont réussi à s’échapper d’une façon ou d’une autre, les autres ont été obligés de choisir entre l’islam ou le massacre.
Malgré le fait que plusieurs personnes ont appelé à l’aide et ont demandé d’intervenir pour empêcher ce massacre, personne n’est intervenue. Par conséquent, Daash a pris le village d’assaut en exécutant 413 citoyens, des hommes, des jeunes et même des garçons d’à peine 13 ans. Ils ont tous été exécutés par balle. Pour le reste, des hommes et des enfants ont été enlevés. En ce qui concerne les personnes âgées, elles ont été obligées de rester chez elles, parce qu’elles avaient du mal à se déplacer pour échapper à la montagne de Sinjar. On les a mises à l’intérieur d’un des sanctuaires sacrés dans le village de Jdala (au sud-est de Sinjar), puis Daash a fait sauter le sanctuaire.
La montagne de Sinjar où plus de 25 000 familles avaient cherché refuge, a connu une autre tragédie à cause de l’invasion de Sinjar par Daash. Toutes ces familles ont souffert de la chaleur intense, de la faim et de la soif. Et entretemps, Daash continuait à les bombarder.
La tragédie sur cette montagne a duré 10 jours et selon les informations des militants Yézidi, environ 250 enfants sont morts. La plupart étaient bébés. Ils sont morts à cause de la sécheresse et de la soif. Puis, des dizaines de personnes sont mortes empoisonnées après avoir mangé des feuilles d’arbres et des plantes non-comestibles.
Dans cette montagne, des dizaines de personnes sont mortes de peur, de fatigue, de soif. Des dizaines de nos hommes, de nos jeunes, ont été tués.
Ce qui s’est passé à Sinjar était une honte sur le front de chaque personne qui a trahi son devoir de secourir les Yézidis au moment de la crise.
Plus de 120 000 personnes ont tout laissé derrière elles. Elles n’avaient que très peu d’armes, des armes très simples. Chaque pierre de la montagne Sinjar a été témoin de l’horreur de ce qui s’est passé. Chaque arbre sur cette montagne pleurait en voyant le sang des enfants de Sinjar, morts de la soif, et pleurait pour les jeunes filles qui ont été enlevées, violées et revendues à des criminels et des personnes qui sont recrutées dans d’autres pays et qui sont comme des ordures.
Nous, les Yézidis, nous avons déjà été confrontés à des massacres à travers l’histoire et actuellement nous sommes à nouveau confrontés à un massacre.
Des familles ont été enlevées et des centaines d’enfants ont perdu leur mère et leur père. Des dizaines d’entre eux ont perdu tous les membres de leur famille.
Durant toute leur histoire, les Yézidis n’ont jamais attaqué qui que ce soit. Mais nous avons toujours été des victimes qui ont payé au prix fort; sans autre raison que le fait que nous soyons en désaccord avec la majorité religieuse. Pour cela, mes frères, nous lançons depuis cette tribune un appel à la communauté internationale:
- Nous appelons les autorités internationales compétentes, le Comité des Droits de l’Homme et le Conseil de sécurité de l’ONU à diligenter une enquête à propos de ce processus de massacre qui a ciblé les Yézidis;
- Nous appelons les pays occidentaux à faciliter les procédures d’asile pour les émigrants Yézidis (contingents de réfugiés);
- Nous appelons la Communauté internationale à mettre en place une protection internationale sous la forme de troupes de maintien de la paix pour arrêter la violence contre les minorités dans les régions où elles se trouvent;
- Fournir une aide humanitaire pour plus d’un demi-million de personnes réfugiées et sans-abri des zones de Sinjar et Ninive qui manquent de tout;
- Nous appelons la Communauté internationale à mettre tout en œuvre pour libérer les plus de 5000 femmes et enfants Yézidis qui ont été enlevés par Daash et les centaines de jeunes filles qui ont été violées!
En conclusion, Mesdames et Messieurs, que la paix soit le titre de nos espoirs dans le futur.
Main dans la main, en renonçant au sectarisme, nous pourrions rêver que la paix puisse se répandre dans un avenir proche.
Vian Dakhil Saeed
Parlementaire Yézidi au Conseil irakien des représentants,
Erbil, le 4 septembre 2014