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Élisabeth Béton-Delègue

Ancienne ambassadrice de France près le Saint-Siège
 biographie
Le thème de cette session, tel qu’il est formulé, est lourd de sens : la paix, que l’on considérait à la fin du XXème siècle, et même il y a quelques années encore, comme un horizon commun de notre monde désormais global, ne l’est plus, et cède la place à des mouvements qui vont dans le sens opposé. Alors même que les enjeux globaux, vitaux pour la survie de l’humanité, le réchauffement climatique, la disparition de la biodiversité, les pandémies, dont les effets sont tangibles sur toutes les populations du globe, appelleraient une mobilisation mondiale, qui, faute d’avoir lieu, est porteuse d’instabilités  et de crises futures à grande échelle. Sur le plan géopolitique, l’ordre international issu de la deuxième guerre mondiale, remis en cause, s’efface au profit d’un monde chaotique, où s’affirme la primauté des   rapports de force sur le respect du droit, laminant ainsi le rôle du multilatéralisme onusien, qui, bien qu’imparfait, a été le rempart des faibles contre les forts. Cette « troisième guerre mondiale en morceaux », que le pape François a décrit avec une lucidité aigue dans l’introduction de l’ encyclique « fratelli tutti » publiée en 2020 est là, sous nos yeux, dans la guerre  engagée par la Russie contre l’Ukraine et dans la résurgence, dans sa forme la plus atroce, du conflit israelo-palestinien, provoquée  par l’odieuse attaque terroriste du Hamas le 7 octobre 2023 et  les prises d’otages israeliens et  les représailles israéliennes qui font des milliers de victimes dans la bande de Gaza. A ces conflits majeurs,à forte résonance internationale, s’ajoutent bien d’autres guerres, d’intensité et de formes variées - 59 recensées par l’institut de recherche de la paix d’Oslo en 2023 - , nombre le plus élevé depuis 1946, dont on parle moins ou pas du tout, le Soudan, la guerre entre l’Ethiopie et le Tigré, l’arc de crise du Sahel, la Birmanie…pour n’en citer que quelques-unes  et les milliers de victimes et déplacés pour qui, oui, la guerre est une fatalité.. Parallèlement, la guerre devient protéiforme et souterraine, se glissant dans les champs ouverts par la technologie, l’espace, le cyber, les réseaux sociaux, et joue sur les perceptions des individus à l’ère de la post vérité. Alors, dans « ces ombres d’un monde fermé »,je cite de nouveau le Pape François, où la guerre et la violence sont désormais désinhibées comment imaginer la paix ? 
 
Chaque année, depuis 38 ans, la paix est le sujet des rencontres de Sant’ Egidio, qui offrent un  moment privilégié d’échange et d’écoute de voix venus du monde entier, ouvert à tous.  La recherche de la paix est en effet au cœur de l’engagement de Sant’Egidio, un des 3 P de son logo: Paix, Pauvres, Prière,  et se décline dans un faisceau d’actions concrètes sur des terrains divers, diplomatie informelle au service de la résolution des différends, expérimentation  de couloirs humanitaires pour l’accueil et l’intégration de réfugiés et tissage d’un réseau actif de communautés présentes dans 70 pays. 
 
La guerre n’est pas une fatalité ; imaginer la paix : c’est le sujet de ce forum que  vont traiter les intervenants autour de cette table  dans la diversité de leurs cultures, de leurs appartenances religieuses ou non, de leurs expériences des géographies où ils vivent et de leurs engagements.