Monsieur le Président de la République,
Madame la Maire de Paris,
Monsieur le Secrétaire perpétuel,
Éminences,
Grand Rabbin,
Vos Béatitudes,
Vos Grâces,
Chefs des différentes religions,
Chers invités,
Président et membres de Sant'Egidio,
frères et sœurs avec lesquels nous travaillons ensemble pour la paix,
Winston Churchill a commencé un discours devant les députés français dans les années 50, « prenez garde, je vais parler français ! » Je répète : prenez garde, je vais parler français, et je présente mes excuses pour cette attaque imprévue à l’Académie française !
Je commence en m’associant aux remerciements exprimé par le recteur de la Grande mosquée de Paris ; mes remerciements à la Communauté de Sant'Egidio pour son travail de construction de la paix. Au fil des décennie, Sant'Egidio a travaillé dans les régions de conflit. Ils ont connu un succès remarquable au Mozambique.
Ils continuent à travailler dans de nombreux autres endroits, fidèlement, malgré les découragements répétés. Ils concentrent leurs efforts sur la prière répétée, une prière qui amène de nombreuses personnes sans foi à trouver l'amour de Dieu en Jésus-Christ.
Ils cherchent à vivre des vies qui reflètent le cœur de la bonne nouvelle chrétienne, en accueillant l'étranger, en prenant soin de lui, en protégeant les personnes vulnérables. Dans leur croissance continue et leur détermination, ils révèlent l'amour de Dieu.
Nous sommes tous et toutes invités à nous ouvrir à l’amour réconciliant de Dieu, qui dépasse toutes les limites imaginables. Pour cette raison, les chrétiens se retrouvent ensemble et en solidarité et fraternité avec d’autres religions, en cherchant la liberté, priant et agissant pour la paix. En 2023, dans un moment imprévisible, je suis allé avec le Saint-Père et le modérateur de l'Église presbytérienne d'Écosse au Soudan du Sud en pèlerinage de paix. Un événement inimaginable avant la réconciliation entre les Eglises, qui eut lieu il y a 60 ans.
La partie la plus connue du travail de Sant'Egidio est cette prière pour la paix. C'est un moment d'hospitalité œcuménique et interreligieuse qui inspire à tous ceux qui l'observent, moi y compris, le sentiment qu'il y a de l'espoir et du courage dans un monde qui « sens dessus dessous », pour citer le Secrétaire général des Nations unies (ONU) dans son extraordinaire et prophétique discours d'ouverture à l'Assemblée générale il y a un an.
Aux membres de Sant'Egidio, merci ! Vous êtes porteurs d'espoir ! L’espoir est une denrée rare. Regardons autour de nous, si nous l’osons et observons le désespoir qui cherche à nous submerger. Regardons ensuite la prière pour la paix et réjouissons nous que le désespoir n’ait pas d’avenir.
Les Nations Unies estiment qu'il y a environ 56 conflits dans le monde. La guerre en Ukraine est la plus grande guerre totale en Europe continentale depuis 1945. A juste titre, les puissances occidentales ont soutenu l'Ukraine à juste titre. Lors de mes visites à Kiev et à Odessa, j'ai vu l'épuisement, le courage et la résilience du peuple ukrainien.
Au Moyen-Orient, l'immense horreur du 7 octobre de l'année dernière a suscité une profonde compassion pour l'État d'Israël, mais aussi une nouvelle vague d'antisémitisme ainsi qu’une islamophobie en Europe - et il n'y a de place ni pour l'un ni pour l'autre dans nos sociétés du XXIe siècle.
J’ai été très choqué, en novembre de l'année dernière, quand j’ai entendu le fils d'un ami étudiant, qui observait une manifestation contre l'agonie intense des Palestiniens à Gaza. Il a entendu de jeunes manifestants qui chantaient : « il n'y a qu'une seule solution ». En Europe, il s'agit d'un appel à l’extermination des Juifs, et pas seulement de ceux qui sont Israël. Nous pouvons également trouver des personnes qui appellent à l’extermination des Palestiniens dans les territoires occupés. Nous implorons Dieu contre de tels péchés et de telles horreurs. Le point commun de ces menaces, c’est la mort de l'innocent et l'augmentation de la peur, de l'insécurité et de la haine.
En Europe, l'immigration suscite des craintes dans certaines communautés, ainsi qu’aux Etats-Unis. Dans presque tout ce continent, les communautés ont le sentiment que leur nation a changé et qu’elle changera encore, et ces craintes ont été encouragées et exploitées par certains hommes politiques, ce qui a un effet corrosif sur les liens qui unissent nos sociétés.
Ensuite, il y a une guerre qui est camouflée derrière les plus visibles. Il s’agit de la guerre humaine contre la création. Il s’agit d’une guerre non déclarée, mais active, et dans tous les sens du terme, c'est une guerre qui chauffe. Et c'est une guerre qui engendre d'autres guerres, partout dans le monde. Mener des guerres conventionnelles est le moyen le plus simple pour rater l'objectif d'une augmentation maximale de la température moyenne de la planète de 1,5 Celsius.
Demandez au soldat ukrainien sur le champ de bataille ce qu’il en est du changement climatique. Demandez au dirigeant politique qui a du mal à trouver la bande passante nécessaire pour réfléchir à chaque conflit étranger susceptible de menacer la sécurité de son peuple. Le soldat répondra : « Le climat en 2050 ? Je serai heureux de survivre encore 20 minutes ».
Comment la prière peut-elle aider ?
Premièrement, parce qu'en priant, nous démontrons qu'il y a une espérance et une lumière éternelles, Jésus lui-même, que les ténèbres ne peuvent engloutir Dans la prière, nous remettons toutes nos angoisses à Dieu et les déposons devant son trône éternel et sa présence.
Le Créateur de toutes choses a vu les systèmes stellaires émerger de la poussière primitive. Dieu a vu les montagnes s'élever, le soleil et les étoiles prendre vie. Dieu a vu des empires naître et disparaître, il a suscité des héros et des saints. Dieu n'est ni menacé, ni perturbé, ni inquiet, ni dérouté.
Les chrétiens croient que, dans la grâce et l'amour, il est venu lui-même en tant que fils pour vivre, mourir injustement, ressusciter d'entre les morts, monter aux cieux et nous donner son Esprit Saint qui soutient chaque battement de notre cœur, chaque révolution des planètes, chaque espoir de pardon, chaque volonté de pardonner le péché, de renouveler, de racheter et de réconcilier la Création.
Deuxièmement, la prière nous met au diapason de la volonté de Dieu. Cette volonté est une volonté de paix, de bien commun, d'amour et d'espoir. Elle nous détourne de la recherche du pouvoir ou de l'utilisation d'autrui comme une fin en soi. La volonté de Dieu est que nous soyons des partenaires dans la réconciliation.
Troisièmement, la prière inspire l'imagination, l'imagination pour s'attaquer à notre propension humaine à inviter le chaos et la destruction dans la Création ordonnée de Dieu. Créés à l'image de Dieu, nous possédons la volonté de Dieu d'être curieux, d'être présents dans la souffrance et de réimaginer glorieusement un monde meilleur dans les domaines du contrôle climatique, de l'effondrement politique, de l'hostilité communautaire et des préjugés raciaux et ethniques.
Mais la réconciliation n'est jamais un événement, c'est un processus qui s'étend sur plusieurs générations. En 1945, l'Europe était un abattoir de haine et de cruauté sans espoir et en faillite. Aujourd'hui, il y a des luttes énormes, mais le seul endroit où nous exprimons vraiment notre rivalité et notre soif de victoire, c'est sur le terrain de football. Et je dois admettre que la France y réussit remarquablement bien.
La réconciliation exige la participation des hommes et des femmes. Elle se produit grâce à l'intelligence des dirigeants, de Gasperi, Adenauer, Monnet, Schumann, de Gaulle, Churchill, le général Marshall. Défiant les effusions de sang du passé, ils ont transformé les épées en socs de charrue. La réconciliation est synonyme d'histoire véridique. Elle signifie guérir les blessures du passé et admettre les torts.
La réconciliation n'est pas un accord, bien qu'un accord soit nécessaire ; la réconciliation est la transformation d'un conflit destructeur en une rivalité créative et paisible, étayée par l'acceptation mutuelle et l'amour. C'est un cycle de paix, de justice et de miséricorde, qui construit une structure resplendissante de l'amour de Dieu. Un moment de paix ouvre le chemin aux paroles de vérité. Les paroles de vérité sèment les graines de la relation. Elles permettent un gramme de plus de paix. Dans cette fine couche de paix, la justice peut être semée. Au milieu de cette justice apparaît une confiance fragile. C'est à partir de la confiance que le prochain cercle, meilleur, peut commencer.
Mais le fondement de tout cela est la prière, car dans la prière, nous nous engageons dans un partenariat avec Dieu. C'est là que nous trouvons l'espoir ; c'est là que nous voyons le changement ; c'est là que nous sommes rassemblés. Que Dieu nous dirige et nous inspire.