Ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte. Bénissez, au contraire, car c'est à cela que vous avez été appelés, afin d'hériter la bénédiction.
Qui veut, en effet, aimer la vie et voir des jours heureux doit garder sa langue du mal et ses lèvres des paroles fourbes,
s'éloigner du mal et faire le bien, chercher la paix et la poursuivre.
Car le Seigneur a les yeux sur les justes et tend l'oreille à leur prière, mais le Seigneur tourne sa face contre ceux qui font le mal.
Heureux d'ailleurs quand vous souffririez pour la justice ! N'ayez d'eux aucune crainte et ne soyez pas troublés.
Au contraire, sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l'espérance qui est en vous.
« Ne rendez pas mal pour mal, insulte pour insulte. Bénissez, au contraire » (1 P 3, 9), exhorte l’apôtre Pierre.
Je viens d’un pays, le Pakistan, où le mal, jour après jour, mystifie la patience et la foi des gens, faisant irruption avec une violence brutale, provoquant des tueries dans les mosquées et les églises, menaçant de mort ceux qui travaillent pour la paix.
Il y a seulement dix jours, dans la ville de Peshawar, deux terroristes se sont fait exploser sur le parvis de l’église anglicane de Tous les Saints, provoquant la mort de plus de 80 chrétiens, rassemblés pour célébrer le dimanche. Les images de douleur, le supplice des survivants et la puissance du mal qui a fauché des vies totalement innocentes rejoignent notre prière après des journées intenses de rencontre et de dialogue. Ces images montent vers Dieu comme une puissante et dramatique invocation, afin qu’Il fasse de nous des instruments de l’Évangile, capables de réconcilier et d’éradiquer le germe de la haine. Ces innocents nous demandent le courage de l’espérance. Et notre espérance chrétienne naît au pied de la croix : même si elle est humble, elle est plus forte que le Seigneur des ténèbres ! Plus forte que le prince de la division ! Notre prière est rébellion contre la mort ! Elle est rébellion contre le caractère inéluctable du mal ! Elle est invitation pressante à la communion dans la souffrance.
Tournons les yeux vers nos frères et sœurs qui, au Pakistan et dans de nombreuses régions du monde, sont conduits en silence comme des agneaux à l’abattoir et abattus. Les mains de ces hommes ne sont pas armées, mais elles s’élèvent en prière vers le Seigneur. Les femmes, tombées sous les bombes, désiraient servir les pauvres et vivre en paix avec tous. On a volé aux enfants innocents leurs années de vie : ce sont les enfants d’une petite minorité sans revendications politiques qui, au Pakistan, souffre déjà de graves injustices et d’un immense mépris. Le mépris est alimenté par la haine de ceux qui rendent la religion blasphématoire et instrument de mort. Ces chrétiens sont les frères et les sœurs de nombreux fils de l’Islam, devenus eux aussi victimes de la folie terroriste.
Les paroles de l’apôtre Pierre retentissent au milieu de nous : « Heureux d’ailleurs quand vous souffririez pour la justice ! » (1 P 3, 14). Elles me touchent profondément, ces paroles de Pierre qui renvoient à celles de Jésus : « Heureux êtes-vous quand on vous insultera, qu’on vous persécutera, et qu’on dira faussement contre vous toute sorte d’infamie à cause de moi. [...] c’est bien ainsi qu’on a persécuté les prophètes, vos devanciers » (Mt 5, 11-12). La résistance douce des chrétiens les rend semblables au Christ. Leur fidélité au dimanche, au péril de leur vie, nous montre la vérité de notre foi et la vérité de l’existence humaine : l’homme est fait pour la communion avec Dieu et avec ses semblables. L’homme peut participer de l’amour sans fin du Seigneur Jésus, qui s’est fait proche de chacun. Le dimanche, nos frères célèbrent l’amour d’un Dieu désarmé qui a accepté la croix pour jeter hors de notre vie le prince des ténèbres.
Or, chers frères, comme c’est difficile ! Que personne ne soit laissé seul dans cette mission ! Aidons-nous, soutenons-nous… Devenons contagieux dans l’amour chrétien. Qu’il insuffle le courage, l’intelligence du dialogue, la ténacité dans l’espérance. Qu’il inspire nos pas, quand, de retour dans nos pays, nous devrons rendre compte de l’espérance qui a été répandue dans nos cœurs. Et quelle grande consolation nous est venue des paroles du pape François, quand, lors de la journée de prière et de jeûne pour la paix en Syrie, il a déclaré : « Pouvons-nous apprendre de nouveau à marcher et à parcourir les chemins de la paix ? En invoquant l’aide de Dieu, je veux répondre : Oui, c’est possible à tous ! Ce soir, je voudrais que de toutes les parties de la terre nous criions : Oui, c’est possible à tous ! Je voudrais que chacun de vous, du plus petit au plus grand, jusqu’à ceux qui sont appelés à gouverner les Nations, réponde : Oui, nous le voulons ! » Il poursuivait : « Dans la Croix on peut lire la réponse de Dieu : là, à la violence on ne répond pas par la violence, à la mort, on ne répond pas par le langage de la mort. Dans le silence de la Croix, se tait le vacarme des armes et parle le langage de la réconciliation, du pardon, du dialogue, de la paix. Je voudrais demander au Seigneur, ce soir, que nous, chrétiens et frères des autres religions, chaque homme et chaque femme de bonne volonté crie avec force : la violence et la guerre ne sont jamais la voie de la paix ! »
Oui, chers frères : il est possible de croire et de décider de sa propre vie, à partir de la Croix. Je pense à ce que disait notre martyr, le ministre Shahbaz Bhatti, tué il y a presque deux ans. Shabbaz a vécu pour défendre les chrétiens et toutes les minorités de notre pays. De l’Écriture il a puisé sa sensibilité et sa compassion pour les plus pauvres. Il n’a jamais cessé de croire qu’il était possible de vivre ensemble et il a promu avec courage et générosité le dialogue avec les musulmans. Il déclara : « Je veux vivre pour le Christ et c’est pour Lui que je veux mourir. Je n’éprouve aucune peur dans ce pays. À plusieurs reprises, les extrémistes ont voulu me tuer, m’emprisonner. Je dis que, tant que je serai en vie, jusqu’à mon dernier souffle, je continuerai de servir Jésus et cette pauvre humanité souffrante, les chrétiens, les nécessiteux et les pauvres. Je pense que ces personnes font partie de mon corps dans le Christ, qu’elles sont la partie persécutée et nécessiteuse du corps du Christ. Si nous menons cette mission à terme, alors nous aurons gagné notre place aux pieds de Jésus et je pourrai Le regarder sans éprouver de honte ».
Dans ce témoignage, retentissent les paroles de l’apôtre Pierre : « Heureux d’ailleurs quand vous souffririez pour la justice ! N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas troublés. Au contraire, sanctifiez dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 14-15).
Et ces paroles illuminent la signification de notre rencontre. Pour nous chrétiens, « le courage de l’espérance » puise ses racines dans la force de la Croix de Jésus. Levant les yeux vers le Seigneur crucifié, nous percevons toute sa grandeur et toute sa beauté, tandis que nous implorons de Lui et de ses témoins la même humilité, la même foi, le même amour tenace. Au pied de la croix, nous désirons choisir la voie humble et courageuse du dialogue, de la rencontre, du pardon et de la paix.
C’est dans cet esprit que la Communauté de Sant’Egidio nous a convoqués ici à Rome. C’est dans cet esprit que ses jeunes au Pakistan aiment les pauvres et construisent des ponts de dialogue. C’est dans cet esprit que nous rendons grâce au Seigneur, car il ne nous abandonne pas dans les tempêtes, mais il nous guide et nous guidera vers le havre de la paix. Au Seigneur de la paix, confions notre rencontre et l’avenir de nous tous, afin que nous devenions des témoins courageux de l’espérance que la Croix suscite dans nos cœurs. Amen.